Le monde paysan attendait du chef de l’État autre chose que ces phrases aux accents maurassiens, sur « les liens charnels avec la terre ». Quand le chef de l’État a déclaré hier de façon appuyée que « la terre fait partie de l’identité nationale », l’écho d’un autre discours semblait remonter d’un sombre passé : « La terre ne ment pas. » Une odieuse machination est à l’œuvre, mise en scène par le ministre des basses œuvres. Éric Besson, ce transfuge du PS prêt à tout pour témoigner à son nouveau maître son zèle de néoconverti, est chargé de lancer un « débat » sur « l’identité nationale ». Serait-ce donc le sujet le plus grave, la préoccupation la plus prégnante des Français ? Le chômage qui n’en finit pas d’étendre ses ravages, bagatelle ! La protection sociale plombée par les hausses du forfait hospitalier, les médicaments déremboursés, billevesées ! L’école mise à mal par les 16 000 suppressions d’enseignants, broutille !
L’insolente richesse des tenants du bouclier fiscal voisinant avec la pauvreté de salariés déclassés et précarisés, le mal de vivre qui conduit au suicide chez France Télécom ou chez PSA, foutaises… Le soir en famille, le samedi entre amis, les Français n’auraient qu’un seul sujet en tête : « l’identité ». Quelques jours après que furent renvoyés vers une possible mort trois Afghans qui voulaient échapper à la violence des talibans, après qu’une lycéenne a été raflée, cartable sur le dos et expédiée à Brazzaville, on nous annonce des causeries et un colloque, rien que cela ! Et peut-être pourrait-on suggérer à M. Besson d’organiser une exposition où l’on expliquerait comment distinguer un individu porteur de l’identité française et celui qu’on doit dénoncer pour le prochain charter. La France a connu de sombres périodes, au cours desquelles ce qui paraît inimaginable peut devenir abjecte réalité.
Suite de l'éditorial de Jean-Paul Piérot. Huma, 28/10/09Á une vision ouverte et progressiste, Nicolas Sarkozy oppose une conception étroite et conservatrice, inégalitaire, avec ses fantasmes d’ancienne puissance coloniale. L’« identité nationale » contre la nation
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