Julien Coupat et sa compagne Yldune, les deux derniers inculpés encore incarcérés, soupçonnés d’actes de dégradation contre des lignes SNCF, sont maintenus derrière les barreaux.
Il y a des signes qui ne trompent pas. Alors que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris devait se prononcer sur la validité du « référé détention » qu’a opposé le parquet à la demande de remise en liberté de Julien Coupat, la veille, le juge des libertés se sera opposé à la remise en liberté de sa compagne, Yldune Lévy, arrêtée, comme lui, le 11 novembre à Tarnac, en Corrèze, lors de l’opération médiatico-policière contre « la mouvance anarcho-autonome », soupçonnée d’actes de dégradation contre des lignes SNCF. Si, dans cette affaire, cinq personnes ont été mises en détention, seulement le couple restait, hier, derrière les barreaux. « Le prétexte ? Yldune n’a toujours pas été entendue par le juge d’instruction ! s’exclame Michel, son père. Cela fait six semaines que ma fille est en prison et, en six semaines, la justice n’a pas eu le temps de l’entendre. C’est surréaliste ! Il y a vraiment deux visions du droit : celui qui défend les lois d’exception et celui qui défend la présomption d’innocence. Là, la justice se cache derrière la raison d’État qu’a parfaitement résumée le ministre de l’Intérieur allemand pour qui, en matière de lutte contre le terrorisme, c’est toute la population qu’il faut contrôler. »
Yldune paye les incuries du système judiciaire
Son conseil, Steeve Montagne, compte bien faire appel. « On garde Yldune en prison parce qu’elle ne peut être entendue par un juge d’instruction – il y en a trois dans cette affaire – avant le 9 janvier, nous explique-t-il. En clair, elle paye les incuries du système judiciaire. Qu’importe si, depuis la libération de trois des inculpés, le bateau de madame la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, prend l’eau de toutes parts. Maintenant qu’ils ont mordu, ils ne veulent plus lâcher, et Yldune risque de passer encore quinze jours derrière les barreaux, à être réveillée toutes les deux heures pour vérifier que “tout va bien”… En tout cas, je n’attendrais pas le 9 janvier pour refaire une demande de libération… » De fait, depuis le début de cette affaire, le grotesque le dispute au tragique. Ce qu’a parfaitement résumé une initiative de soutien aux inculpés de Tarnac qui, la semaine dernière, invitait à la création, à Rouen, du « lieu le plus dangereux de France ». Pour cela, il suffisait d’amener « un livre, un outil, des horaires, un équipement de sport et une mauvaise intention ».
Que reproche-t-on à la dizaine d’inculpés de Tarnac ?
Car c’est avec cette panoplie que le pouvoir sarkozyste veut transformer quelques militants en groupe terroriste. Il faut dire qu’en matière de criminalisation de la contestation, le pouvoir sait faire, en témoigne cette note, en juin dernier, du ministère de la Justice invitant les parquets à se dessaisir au profit de « la section antiterroriste du parquet de Paris » pour tout acte pouvant être attribué à la « mouvance anarcho-autonome ». D’autant que le qualificatif « terroriste » est pratique : garde à vue de 144 heures, facilités pour la mise en détention préventive… De quoi transformer le moindre fait relevant du droit commun en atteinte à la sûreté de l’État et le premier présumé innocent venu en forcément coupable. Histoire de faire trembler dans les chaumières ou de calmer les velléités de contestation. Las, au grand dam du locataire de la place Beauvau, malgré les caméras, les experts attitrés et les listes de courses, le dossier est désespérément vide. D’être à l’origine de plusieurs actes de sabotage contre le réseau SNCF. En clair, du droit commun. Les preuves ? Quelques fers à béton (normal dans une ferme qu’il faut retaper), de s’être garé, comme cela arrive à des millions de gens en France, à proximité d’une voie de chemin de fer. Mais surtout d’être à l’origine d’un ouvrage anonyme – L’insurrection qui vient – et d’avoir participé à différentes manifestations…
Ce n’est rien d’autre qu’une prise d’otage
Hier, en fin d’après-midi, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a jugé « conforme » l’appel du parquet (qu’importe si le « référé détention », comme l’a dénoncé l’avocate Irène Terrel, est une « procédure d’exception ») et a donc refusé de remettre en liberté Julien Coupat. « Malheureusement, je m’y attendais, nous a dit hier Michel Lévy. Demander à la cour d’appel si la procédure mise en branle par le procureur est conforme au droit quand on sait que le procureur, il a tout le droit… Mais quand je vois la date à laquelle ma fille va être entendue par la justice, pour moi, ce n’est rien d’autre qu’une prise d’otage. » En attendant, après-demain, sera examiné sur le fond la demande de remise en liberté de Julien Coupat. Une demande émanant du juge des libertés et de la détention qui, la semaine dernière, au vu du dossier, a jugé qu’il n’y avait pas lieu de le maintenir en détention.
Sébastien Homer
Dans l’Humanité du mercredi 24 décembre 2008
On pourra lire avec intérêt le témoignage dans l'Huma de Gérard Coupat, le père de Julien
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