220 ans après la Révolution française, L'Humanité a publié, cet été, une série de portraits de révolutionnaires qui ont marqué cette période passionnante.
Loin des caricatures habituelles sur les "révolutionnaires assoiffés de sang" , ces portraits contrastés retracent, souvent avec passion , plus de deux cent ans après 1789, le combat difficile de ceux qui ont changé le monde....
Aujourd'hui Couthon
Couthon est un vieux camarade, par Bernard Chambaz
J’ai bien connu son fils, Antoine, que j’ai côtoyé dans le Puy-de-Dôme, à Mosco et à Santa Margherita Ligure. Nous nous sommes d’autant mieux entendus que nous ne manquions pas de points communs. À commencer par une femme gauchère, aimant les cerises et les paysages majestueux. Lui, le père, je l’ai croisé plusieurs fois. En cours moyen deuxième année, où il était déjà l’ami de Robespierre et où il est devenu mon ami, puisque les amis de nos amis sont nos amis ; à la Sorbonne, où il était toujours l’ami de Robespierre, donc l’ami de François Hincker ; dans les années quatre-vingt, où je l’ai beaucoup fréquenté. Il était très impressionnant, mais très doux. Je ne comprends pas pourquoi on l’a surnommé « le Tigre altéré de sang ». Bien sûr, il y a la loi de prairial pour renforcer ce qu’on appelle la Terreur, sans bien saisir ce que signifiait à l’époque, en français, le mot « terreur ». Bien sûr, cette loi a envoyé à la guillotine des citoyens innocents. Mais ce n’était pas la soif de sang qui motivait Couthon, je vous le garantis. Et puis, le tigre n’est pas forcément l’animal féroce et le père inexorable que disent les dictionnaires. Il est aussi royal, élégant, simplement sauvage. Ici et là des esprits brillants l’ont compris, Clemenceau, Raphaël Meltz et Laetitia Bianchi - sans oublier Mao, qui se moquait du tigre de papier.
On peut voir au musée la chaise de Couthon. C’est une espèce de chaise roulante en tissu jaune citron. Depuis deux ans, il avait perdu l’usage de ses jambes. La nuit du 9 thermidor, dans le chaos et la cohue, il a tenté de s’enfuir sur les épaules d’un gendarme que la Convention lui avait alloué, mais il a été arrêté, couché sur un brancard, sa culotte gris perle maculée d’urine, porté sur l’échafaud, mais impossible de faire tenir son cou dans la lunette de la guillotine, on ne va pas quand même pas le guillotiner sur le dos, alors on le met de côté et à six heures presque cinquante le bourreau lâche la corde qui libère le couperet.
Mais reprenons les choses au commencement. suite