lundi 26 avril 2010

la République espagnole existe.




Garzon. L’impunité des crimes franquistes : « No Pasara ! »
Des milliers de personnes se sont rassemblées samedi partout en Espagne et également en Europe et en Amérique latine pour apporter leur soutien au juge Garzon et aux familles des victimes de la dictature.

Madrid, envoyée spéciale.

Silverio Yebra Granja, Lluis Companys, Irma Guerrero Guerrero, Federico Garcia Lorca ou encore Julian Grimau… les clichés en noir et blanc des victimes et disparus de la guerre civile et du franquisme figuraient, samedi, en première ligne des quelque 21 cortèges qui se sont élancés en Espagne au nom de « la vérité, la justice, la réparation ». À Madrid, ils étaient 100 000 à défiler, selon les organisateurs, réunis au sein de la plate-forme contre l’impunité. Plus que des rassemblements de soutien au juge Garzon – menacé de suspension, sur plaintes de groupuscules d’extrême droite, pour avoir voulu enquêter sur les crimes franquistes –, les manifestants ont rendu hommage aux victimes de la dictature, aujourd’hui encore reléguées dans l’ombre de la démocratie. Façon pour eux de dire que le temps du silence est bel et bien fini.

La mise en accusation du juge a sonné le réveil d’une juste demande de comptes. « Le juge qui veut juger les responsables de la mort de ma mère et de mon père se retrouve sur le banc des accusés par la Phalange (formation politique officielle du franquisme – NDLR), j’ai l’impression de revivre le même cauchemar », raconte Hilda Farfante Gallego, dont les parents ont été assassinés en juillet 1936. Âgée de cinq ans à l’époque, elle sera séparée de ses deux sœurs et subira l’insulte d’être une enfant « de rouges assassins ». L’Espagne à l’envers, en somme, où les victimes sont priées de se taire et où les bourreaux paradent. Un déni qui n’a jamais pris fin. Depuis, Hilda n’a eu de cesse de rechercher les dépouilles de ses parents. Non sans estimer que « la véritable enquête, c’est à l’État de la mener ».

l’ampleur qu’a prise l’affaire Garzon

Cette dette était samedi sur toutes lèvres, en Espagne mais également à Buenos Aires, Londres, Dublin, Paris, ou encore dans le sud de la France, à Pau, Bordeaux, Montpellier. « L’Espagne de la réconciliation, comme le dit le Parti populaire (droite), n’a jamais existé », tranche Gervasio Puerta Garcia, président de l’association des anciens prisonniers et réprimés politiques antifranquistes. « Nous avons été persécutés pendant quarante ans par la dictature, poursuit-il, mais la transition démocratique n’a pas été synonyme de compensation. » Pour cet ancien prisonnier, injustement condamné à deux reprises par la pseudo-justice du Caudillo, « l’intransigeance » dont on accuse le mouvement pour la récupération de la mémoire est une injustice supplémentaire. « On nous dit que nous remuons le passé, déclare Gervasio Puerta Garcia. Mais il est là car il n’a jamais été résolu ! » D’où l’ampleur qu’a prise l’affaire Garzon.

soutien des artistes et des intellectuiels

Les accusations de partialité pleuvent sur la justice espagnole, singulièrement sur le juge Luciano Varela, du tribunal suprême, qui instruit le dossier. Vendredi, Varela a écarté l’un des trois plaignants – la Phalange – au motif de « valeurs idéologiques » contraires à la plainte déposée – la prévarication (instruire une cause en la sachant en opposition avec la loi). Mais les deux autres plaignants, les nébuleuses extrémistes, Manos Limpias et Libertad e Identidad, sont toujours, eux, dans la course. Et le fond de l’affaire reste intact : l’impossibilité de juger des crimes de lèse-humanité, lorsqu’il s’agit du franquisme, au prétexte de la loi d’amnistie de 1977. Samedi, les manifestants, qui ont compté sur l’appui des artistes et intellectuels comme Pedro Almodovar, Almudena Grandes ou encore le poète Marcos Ana, étaient les dénonciateurs de cette honteuse aberration.

Cathy Ceïbe l'humanité du 26/04/2010

Brigade anti- vieux 2