«Nous sommes à un tournant, le PS vient nous annoncer qu’il n’avait jamais dit qu’il était pour la retraite à 60 ans et qu’il prenait en compte les aspects de démographie», s’exclame Valérie Rossot Debord, députée UMP. Elle sortait précipitamment de la salle où était réunie la commission des Affaires sociales pour faire part de «la bonne nouvelle» aux journalistes présents. Ajoutant : «La raison l’emporte, il devrait être d’accord avec notre projet.»
Quelques minutes plus tard, Marisol Touraine, députée socialiste en charge du dossier retraite, sort à son tour de la salle pour mettre les choses au point. «Nous sommes attachés à l’âge légal de la retraite à 60 ans», souligne-t-elle.
Elle poursuit en développant sa conception de ce que les élus PS appellent «la retraite choisie». Et d’expliquer qu’en fonction de la diversité des situations «les salariés qui le peuvent doivent pouvoir travailler plus longtemps». Selon elle, «l’ouverture du droit de départ à 60 ans» doit «demeurer».
Elle souhaite cependant que l’on puisse «favoriser pour le plus grand nombre de travailler au-delà, y compris en instaurant une surcote» pour ces salariés. Marisol Touraine précise cependant son accord pour «l’allongement à 41,5 de la durée de cotisation». Elle va jusqu’à préconiser après 2020, «en fonction de la situation, de pouvoir l’allonger de nouveau».
Ainsi donc, le Parti Socialiste souhaite officiellement que les salariés travaillent plus longtemps.
Certes, ce n'est pas tout à fait une surprise: en pleine campagne des régionales, Martine Aubry considérait qu'il faudrait faire reculer la borne d'age de 60 ans à 61, 62, 63 ans....
Dans l'intervalle, le PS s'était un peu repris (probablement poussé par le mouvement social) et avait concocté un projet sur les retraites dans lequel il proclamait son attachement à la retraite à 60 ans tout en approuvant les allongements de durée de cotisation passés et à venir (soutenant du même coup les réformes 1993 et 2003 qui, rappelons-le ont eu pour effet de diminuer les pensions de 20% en moyenne).
Mais même cette position minimaliste du PS a été plusieurs fois remise en cause par plusieurs de ses dirigeants (Manuel Valls, Gérard Collomb, François Hollande, Dominique Strauss-Kahn....) et par... Martine Aubry qui, dans un meeting à Roubaix assénait que la retraite à 60 ans c'était pour les métiers les plus pénibles. Une position finalement pas très différente de celle du gouvernement qui reconnaît lui aussi le droit au départ à 60 ans à condition d'être invalide à au moins 20%.
Autrement dit, le PS remet officiellement en cause la loi adoptée en 1983 par un gouvernement.... socialiste et qui garantissait une retraite à taux plein à 60 ans. On n'y aurait droit que plus tard (voire bien plus tard) ou alors en mauvaise santé (voire les deux!)
Or cette question des retraites est une question essentielle dans le débat Droite-Gauche, elle fait d'ailleurs partie du débat plus général sur la réduction du temps de travail sur l'ensemble de la vie (durée de la semaine de travail, congés payés, âge de la retraite). Pour moi, dès que l'on considère que le temps de travail doit être réduit (tout simplement parce que la société produit ce dont elle a besoin en moins de temps), on est de gauche. Si, au contraire, on considère que comme l'espérance de vie s'allonge, on doit consacrer une partie de cet allongement à travailler plus, on est de droite.
Historiquement, c'est la première fois officiellement, que le PS revendique un départ à la retraite retardé. Certes, on sait que depuis des années, il a renoncé à une véritable politique de gauche. Néanmoins, il n'avait jamais exprimé clairement sa revendication de régression sociale (en 1995 et 2003, il s'était prudemment tu).
Tout ceci repose avec acuité la question de l'alternative à gauche. Pour que la population se batte pour garder et amplifier les acquits sociaux conquis de haute lutte par le passé, il faut qu'une vraie politique de gauche soit proposée et portée par une formation en mesure de l'emporter électoralement. Certes, le Front de Gauche a fait une percée intéressante sur les deux dernières élections mais ce n'est pas suffisant. Pour faire le bond quantitatif nécessaire, il faut réaliser une union plus large. A ce titre là, l'exemple du Limousin est frappant: aux régionales, la liste Front De Gauche élargie au NPA qui fait 13% au premier tour et 19 au deuxième tour. De plus, dans le Limousin toujours, lors d'une élection cantonale partielle, le candidat communiste avec une suppléante NPA a quadruplé son score de 2007 passant de 5 à 20%.
Alors évidemment, il y a le poids de l'Histoire et des décennies de rivalité entre les différentes composantes de la gauche anti-libérale. Mais il est grand temps de dépasser tout cela et de mettre en avant ce qui nous rassemble plutôt que de considérer que les pires ennemis ce n'est pas la droite ou le social-libéralisme mais les formations les plus proches.