C’est toujours au petit matin que cela se déroule. Les policiers viennent aux domiciles de personnes sans-papiers, leur demande de les suivre et les place dans un centre de rétention. Traumatisant et humiliant pour ces personnes qui, la plupart du temps vivent et travaillent ici depuis de nombreuses années. Mais cette fois, non seulement deux couples ont été ainsi emmenés, mais accompagnés de leurs enfants respectivement âgés de 3 et 5 ans. Inadmissible pour de nombreuses associations de défense des droits humains qui manifestent leur colère depuis, notamment par des rassemblements…
Dans plusieurs villes de France des familles sans-papiers sont raflées chez elles. C’est le cas dans le département où le Préfet a commandité deux arrestations incluant des enfants de moins de cinq ans. Détails.
Non ce n’est pas une farce, mais plutôt une tragédie qui se joue en ce moment au Centre de Rétention du Canet, près de Marseille. Son auteur n’est autre que le Préfet des Alpes-Maritimes Francis Lamy. Les victimes sont les familles Santos et Palada, toutes deux originaires des Philippines.
Depuis plus de neuf ans, Monsieur et Madame Santos vivent au Canet, travaillent comme agents d’entretien pour un cannois et élèvent leur petite fille Véta, 5 ans, scolarisée à l’institution Stanislas. Une vie somme toute classique qui a basculé le 28 juillet dernier. Sept heures du matin, la police frappe à leur porte : « Il faut que vous quittiez le territoire », les somme-t-on, sous prétexte d’être sans-papiers. Les parents et la petite fille sont depuis maintenus en rétention au motif que les conditions n’étaient pas remplies pour une assignation à résidence et que rien ne s’opposait du point de vue du droit, à la rétention d’un enfant de cinq ans, d’après le Juge des Libertés, confirmé par la Cour d’Appel.
« On est perdu »
Désemparée, Mme Santos a déclaré : « Pourquoi ils ont besoin de venir nous chercher dans notre département ? Placer un enfant dans un endroit pareil ce n’est pas normal. Notre fille est née ici. Nous on s’est marié à la mairie de Cannes. Je ne sais pas pourquoi ils font cela. » Incompréhension totale pour la petite Véta selon un témoignage de la CIMADE (Comité Inter Mouvements Auprès Des Évacués) et RESF 13 (Réseau Education Sans Frontière) : « Ils sont très choqués. Avec leur fille ils doivent passer par des stratagèmes pour ne pas laisser transparaître leur tristesse. Ils lui disent qu’ils ne sont pas dans une prison mais dans une maison de la police. Véta ne comprend pas pourquoi elle ne peut pas voir son père comme elle veut. Elle parle très bien français, à la fin de l’audience au tribunal, où sa mère est restée tétanisée ne pouvant parler, elle a dit à sa mère : on est perdu ».
Idem, pour la famille Palada. Le 30 juillet dernier, les fonctionnaires de police sont venus les chercher tôt le matin à leur domicile de Beausoleil pour les conduire au même Centre de Rétention. Le père, charpentier depuis huit ans sur des yachts, a été incarcéré d’un côté tandis que la mère et la petite Jehna, trois ans, l’ont été de l’autre. Ils ont été libérés, le 4 août dernier sur un vice de procédure. De telles arrestations ne sont pas inédites.
A Lyon, sur la base de la convention des droits de l’enfant, un Juge des Libertés a libéré le 3 août dernier deux familles dans une situation similaire qui étaient retenues, en jugeant que « l’enfermement des enfants est un traitement dégradant ». Pourquoi ce qui est « dégradant » à Lyon ne le serait pas à Marseille ? Telle est la question que posent aujourd’hui des milliers de personnes scandalisées par cette bévue. Ils se sont réunis vendredi dernier au Canet : « pour hurler notre dégoût et notre colère devant un état qui, non content d’exploiter des milliers de sans-papiers pour faire tourner l’économie, veut toujours les terroriser davantage », clame Teresa Maffeis, de RESF 06.
Méthodes inadmissibles
Entre autres, le conseiller général PCF Jacques Victor, outré par cette affaire, a rappelé par communiqué : « de telles méthodes sont indignes de la République et de ses valeurs » et invite le préfet Lamy à revenir sur sa décision : « Je vous demande instamment et de toute urgence, au nom même de la devise de notre pays, de tout faire pour libérer et régulariser les familles Santos et Palada bien intégrées en France depuis de nombreuses années ».
Depuis, La Ligue des Droits de l’Homme des Alpes-Maritimes a lancé une alerte auprès de la communauté philippine pour que les sans-papiers se mettent à l’abri. Le Préfet des Alpes-Maritimes pensant, peut-être, profiter de l’été pour agir en toute discrétion a raté le coche puisque depuis dimanche, les militants RESF 13 et RESF 06, main dans la main, appellent à la mobilisation contre la chasse à l’enfant. Mais surtout, ils tentent de bloquer le standard du téléphone de la Préfecture en appelant continuellement. Car comme le disait Jean-Marie Muller, philosophe spécialiste de la non-violence : « La démocratie est bien plus menacée par l’obéissance servile que par la désobéissance civile ».
Soufia Ben Merieme