Dans le même temps Philippe Val, directeur de Charlie Hebdo, somme le même Siné de signer une lettre d'excuses L'intéressé refuse de la signer.
Or que dit cette fameuse chronique?
« Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général de l’UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le Parquet a même demandé sa relaxe! Il faut dire que le plaignant est arabe! Ce n’est pas tout: il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit! »
Il est évident que Siné dénonce dans cette chronique le fait que le fils du président est prêt à tout pour épouser une riche héritière y compris à changer de religion. Il se trouve que Mlle Darty est de religion juive. Elle aurait pu être musulmane ou orthodoxe que la critique aurait été la même.
On peut penser que Siné a tort de parler ainsi; que Jean Sarkozy est sincère en voulant changer de religion (l'information révélée par Libération avant la chronique de Siné étant par ailleurs fausse), en aucun cas on ne peut le taxer d'antisémitisme.
Le 24 juillet, le philosophe Alain Badiou, dans le Monde, réagit à un article publié par le journaliste Pierre Assouline sur son blog en novembre 2007. Cet article concerne l'avant dernier ouvrage du philosophe intitulé: «De quoi Sarkozy est-il le nom?» La aussi, Pierre Assouline taxe Alain Badiou d'antisémitisme. Pourquoi? Parce que dans son livre, Alain Badiou traite les socialistes entrés au gouvernement de «rats» et, par conséquent Nicolas Sarkozy d'«homme aux rats» et Pierre Assouline ajoute:«La dernière fois dans ce pays qu’on a ainsi comparé des hommes à des rats, c’était, voyons, en 1942 dans un documentaire de propagande sur le péril juif»
Pourtant, là aussi, le propos du philosophe est clair: il évoque la légende du joueur de flute qui entraine les rats hors de la ville. La non plus, on ne saurait y voir le moindre antisémitisme!
Il ne s'agit pas de nier que l'antisémitisme perdure et qu'il reste fort: il n'y a qu'à voir, entre autres, le nombre d'écrits antisémites et négationnistes, les profanations de cimetières juifs. L'antisémitisme est un fléau qu'il faut éradiquer comme d'ailleurs toute forme de discrimination.
Mais dans les deux cas cités, on est aux antipodes de cela. Encore une fois, ni la chronique de l'un ni l'essai de l'autre ne contiennent d'antisémitisme. De plus, aucun précédent ne vient entacher les écrits de ces deux auteurs.
Cela fait déjà longtemps que bon nombre de journalistes et penseurs de droite ou sociaux libéraux confondent antisionisme et antisémitisme. Les mêmes, par ailleurs, taxent volontiers les partisans et les partisanes du non aux référendums sur le traité de Maastricht et sur le TCE de xénophobie. Mais l'utilisation de l'amalgame semble s'étendre.
De quoi s'agit-il? D'un excès de zèle pour traquer l'antisémite? Ou alors l'utilisation d'un argument définitif pour clore le bec du contradicteur? La question peut légitimement se poser.
Tout ceci est grave pour deux raisons:
Première raison, c'est une forme de censure: il conviendrait désormais d'éviter toute allusion à la religion juive de près ou de loin (l'exemple des rats est significatif à cet égard!). Pour dire les choses autrement, le débat démocratique est escamoté: je ne suis pas d'accord avec telle personne, je sors l'argument fatal, elle est antisémite, elle a donc tort, j'ai donc raison!
Deuxième raison et ce n'est pas la moindre, cela risque d'affaiblir considérablement la lutte contre..... l'antisémitisme justement! (à force de crier au loup....).Celles et ceux qui se déchainent ainsi contre ces écrits, que peuvent-ils dirent de plus contre les textes incitant à la haine des juifs ou niant l'existence des camps de la mort et des chambres à gaz?
Il ne faut pas se tromper (ou feindre de se tromper?) d'ennemi: l'antisémite est à l'extrême droite pas à gauche (ou alors, on n'est pas de gauche). Pour le reste, débattons normalement, sans invective et sans faux procès. La pensée unique au service du libéralisme à tout crin y perdra sans doute beaucoup mais la Démocratie gagnera du terrain.
Didier Costenoble