Le Parlement européen avait cru enterrer le plus dangereux de la directive Bolkestein. Croix de bois, croix de fer… On nous l’avait promis. Mais à la faveur d’obscurs jugements, la Commission européenne exhume les passages les plus néfastes de ce texte et les légitime au nom de la « concurrence libre et non faussée » qui reste le dogme du traité de Lisbonne, en dépit des votes des peuples français, néerlandais et irlandais. Même la crise et les ravages semés par ce libéralisme effréné n’ébranlent pas ce petit cénacle qui piétine sans remord l’expression démocratique des peuples européens. Les élus de la GUE au Parlement de Strasbourg, les parlementaires communistes et les candidats du Front de gauche viennent de porter au grand jour le procédé oblique par lequel Manuel Barroso et ses pairs ressuscitent cette directive. Ils sont en cela les porte-parole d’associations et de syndicats qui ont débusqué l’affaire, nichée dans des commentaires de jugements.
Le premier péril pèse sur les « services sociaux d’intérêt général » relatifs notamment au logement social, la garde des enfants, l’aide aux personnes. Exclus du champ de cette directive, ils y sont replongés par une communication de la Commission qui décrète qu’ils « relèvent désormais des règles régissant le marché intérieur et la concurrence ». C’est la logique du privé et du moindre coût qui s’emparerait de secteurs vitaux pour les familles modestes. De même, pour imposer le dumping social dans les frontières de l’UE, le statut de « société privée européenne » (SPE) vient d’être inventé pour, comme le note la Confédération européenne des syndicats, se soustraire aux législations les plus protectrices des travailleurs grâce aux statuts de la SPE. Même l’interdiction de détacher des travailleurs à prix cassé est mise en cause par les commissaires !
Nul doute que les manifestations européennes de salariés prévues en mai auront ces sujets à l’ordre du jour. Les élections européennes dans lesquelles s’engagent les principales forces politiques seront aussi une échéance de première importance. En effet, qui portera à la connaissance du public les mauvais coups fomentés dans le huis clos des cabinets bruxellois ? Les syndicats européens pourront-ils compter sur des députés résolus à les défendre et à devenir leurs relais jusque dans l’Hémicycle, par exemple contre la directive sur le temps de travail qui étend à toute l’UE l’opt out britannique autorisant jusqu’à 65 heures de travail hebdomadaires ? En face des deux grands partis qui dominent les institutions de l’Union européenne, les conservateurs du PPE et les sociaux-libéraux du PSE, il faut bien autre chose qu’un Daniel Cohn-Bendit, désormais converti au libéralisme, ou un François Bayrou, qui s’est aligné sur la Commission sur la plupart des grands dossiers, pour faire entendre la voix des salariés. Les députés de la Gauche unitaire ont su le faire durant ces dernières années. Les candidats du Front de gauche veulent poursuivre l’élan du « non » au référendum et changer l’Europe. Le retour de la directive Bolkestein montre qu’ils auront du pain sur la planche…
Patrick Apel-Muller Edito de l'Humanité
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