jeudi 5 mars 2009

Mauvaises fortunes à La Redoute et aux 3 Suisses

Dans les rues de Roubaix, les salariés menacés de licenciements chez les géants de la vente à distance essaient de traduire « pwofitasyon » en ch’timi.

Après l’outre-mer, c’est au tour des communes proches de l’outre-Quiévrain de se lever contre la « profitation ». De la gare aux Archives du monde du travail, en passant par la mairie, Roubaix a été hier matin le théâtre de ce qu’il faut bien appeler désormais un « liannage », une manifestation au pluriel, rassemblant des parcours parallèles et des identités différentes, unis par une même exigence : que les profits soient mieux partagés et que l’addition de la crise ne soit pas systématiquement présentée aux salariés. Ensemble, au coude-à-coude, 500 à 600 petites mains des deux géants concurrents de la vente à distance (VAD), La Redoute et Les 3 Suisses, rivaux pour les dividendes (100 millions dilapidés pour La Redoute, 50 millions pour les 3 Suisses) et les fortunes de leurs principaux actionnaires (la famille Mulliez, première fortune de France, aux 3 Suisses et François Pinault, septième, à La Redoute), copains comme cochons dans les restructurations, des « plans de relance », comme osent les qualifier goguenards les stratèges de la com des deux groupes (- 672 emplois à La Redoute et - 674 aux 3 Suisses). « La Guadeloupe, c’est à nous aussi », revendiquent explicitement les manifestants de Roubaix - certains arborent un badge de soutien au LKP et d’autres invitent à suivre l’exemple des DOM dans leurs slogans. « Eux y s’in foutent plein les poches ; nouz aut’, in serre eul cheinture », synthétise dans le créole local un autocollant de la CFDT.

Les actionnaires s’autoaugmentent

« En 2007, Les 3 Suisses ont versé 51 milliards de dividendes à leurs actionnaires », s’époumone devant la petite foule Fatiha Bouzaoui, secrétaire CGT du comité d’entreprise. Avant de se reprendre : « Non, ce sont des millions, il y a tellement d’argent qu’on s’y perd et ce qui est sûr, c’est que, tous les ans, les actionnaires s’autoaugmentent. Dans le même temps, après avoir déjà détruit 400 emplois ces dernières années, la direction veut en supprimer 674

de plus, soit 20 % des effectifs… » Délégué SUD à La Redoute, Grégory Caron fait observer : « Avec les dizaines de millions d’euros de dividendes qu’on verse chaque année aux Mulliez et à Pinault, on peut vraiment dire que tout le monde ne connaît pas la crise. » Jean-Christophe Leroy, représentant CGT à La Redoute, dénonce des « milliardaires qui font fortune sur notre dos, avec nos muscles et grâce à notre sueur ». Alors que les Verts, le NPA et LO défilent aussi aux côtés des salariés de la VAD, la sénatrice Michèle Demessine, venue en soutien avec une bonne délégation d’élus et de militants PCF, pointe des « projets qui étaient déjà dans les tiroirs avant la crise.Les entreprises tentent de faire payer leurs plans de modernisation aux seuls salariés, en visant notamment les plus âgés. Mais ça va se corser car l’opinion publique accepte de moins en moins les conséquences de ce système. »

« Pour ceux de la Bourse ! »

Dans le cortège, un groupe de femmes, employées au traitement des commandes à La Redoute, un secteur en phase d’externalisation, hurle son écoeurement. « J’ai travaillé trente-cinq ans dans cette boîte et tout ce qu’on me propose pour le transfert, c’est une prime de 8 000 euros, déplore l’une d’elles. On nous coupe de l’entreprise, on se sent vraiment comme des pestiférées. Pendant des années, on s’est formées, tout ce savoir-faire va disparaître pour épargner des clopinettes, alors qu’on dépense sans compter pour ceux de la Bourse ! » Un peu plus loin, d’autres femmes, salariées à la comptabilité des 3 Suisses, crient leur dégoût : « Dans notre service, il va y avoir 10 postes supprimés sur 70, mais si on écoute la direction, ça va se passer dans le meilleur des mondes, avec 100 % de reclassements, rapporte Valérie. Mais plus personne n’y croit. On nous parle d’un déficit de l’entreprise, mais c’est facile de présenter des mauvais comptes quand on veut donner zéro en intéressement aux salariés ou qu’on veut en virer des centaines. De l’argent, il y en a, mais jamais ça ne finit dans nos poches. »

Thomas Lemahieu site Huma

Brigade anti- vieux 2