Cent vingt ans après la décision de faire du 1er Mai la journée de solidarité ouvrière internationale, l’appel lancé pour le prochain 1er Mai par toutes les organisations syndicales françaises prend une nouvelle dimension lourde de colère et d’indignation, mais aussi porteuse d’espérance d’avenir meilleur pour le monde du travail.
C’est en effet le 20 juillet 1889 que les pionniers du syndicalisme réunis à Paris lors du centenaire de la Révolution, sensibilisés par les tragiques événements de Chicago où une révolte ouvrière, le 1er mai 1886, fut écrasée férocement par les forces de répression policières, décidèrent de faire du 1er Mai un jour de lutte internationale avec comme objectif principal « réduire légalement à huit heures la journée de travail » (1).
Après une première expérience inégalement suivie en 1890, le 1er Mai prit en France l’importance d’un événement social national avec le drame de Fourmies, où tombèrent les premiers martyrs de cette journée de solidarité internationale, sous les balles des fusils Lebel expérimentés pour la première fois sur des cibles humaines.
Par la suite, le 1er Mai fut, en France, diversement célébré, selon les circonstances économiques, sociales et politiques. Souvent interdit et voué à la disparition dans les milieux réactionnaires, il est devenu journée « chômée et payée ». Mais tout en conservant un caractère festif en l’honneur du travail, il est resté étroitement lié aux aspirations d’émancipation des travailleurs.
Ce bref rappel de l’histoire n’est pas sans intérêt pour apprécier la signification de l’appel syndical unanime en vue d’un puissant rassemblement salarié, le 1er Mai prochain.
Il n’est pas excessif de qualifier d’historique cette unanimité syndicale, non seulement parce qu’elle est sans précédent, mais aussi et surtout parce qu’elle est fondée sur un accord dont le contenu ne se limite pas à des objectifs revendicatifs communs mais avance les propositions sociales, économiques et fiscales nécessaires à leur concrétisation.
Cette cohésion syndicale tend à démontrer que la persistance des différences issues d’un passé plus ou moins lointain, sur lesquelles repose le pluralisme syndical, n’est plus un obstacle majeur à l’unité d’action.
À ce sujet, nul ne sera surpris que j’évoque un autre moment de notre histoire sociale où un accord d’unité d’ac- tion, sur des objectifs revendicatifs précis, conclu entre la CGT et la CFDT, en janvier 1966, fut à l’origine d’un vaste mouvement social qui aboutit, en mai 1968, à une mémorable négociation entre gouvernement, patronat et syndicats.
Depuis cette époque, bien des choses ont changé, mais rien n’a altéré le fameux précepte des fondateurs du syndicalisme : « L’union fait la force. »
Non ! Messieurs et Mesdames les porte-parole du gouvernement et du MEDEF, les journées de grève et de manifestation du 29 janvier et du 19 mars ne sont pas des réminiscences du « folklore social français », il est vain de chercher à vous autotranquilliser en minimisant l’importance de la mobilisation syndicale en France. Soyez attentifs à ce qui va se passer après le 1er Mai français, à Madrid le 14, à Bruxelles le 15, à Prague et à Berlin le 16, et vous comprendrez peut-être que « ces mouvements de protestation sociale traduisent une détresse et une colère qu’il faut prendre au sérieux », ainsi que l’a déclaré John Monks, secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats.
On ne peut mieux mettre en évidence le fait que cette mobilisation ne se limite pas à un phénomène franco-français, mais qu’elle est bel et bien européenne, en riposte au déferlement d’injustices d’un capitalisme dévorant en proie à une crise qui découle de ses propres tares.
Telles sont les raisons d’une initiative syndicale unitaire qui, par-delà les souffrances endurées par les principales victimes de l’actuelle régression sociale, concerne toutes celles et tous ceux de toutes professions et de toutes générations, actifs ou retraités, décidés à résister ensemble à l’injustice.
Ce vendredi 1er Mai, jour « chômé et payé », chaque citoyen étant disponible, tous peuvent et même doivent participer au grand rendez-vous national du progrès social.
En ce printemps de lutte propice à l’accroissement de l’influence du syndicalisme, puissent les salariés syndiqués aider ceux qui ne le sont pas à le devenir afin que les entreprises privées de syndicats, dites « déserts syndicaux », soient au plus tôt fertilisées.
(1) Voir le texte intégral de l’appel dans 1er Mai, les cent printemps, de Georges Séguy (p. 50). Messidor, Éditions sociales.
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