mardi 11 novembre 2008

"Putain de guerre! "

Lettre d’Eugène-Emmanuel Lemercier à sa mère, 22 février 1915

« Tu ne peux savoir, ma mère aimée, ce que l’homme peut faire contre l’homme. Voici cinq jours que mes souliers sont gras de cervelles humaines, que j’écrase des thorax, que je rencontre des entrailles. Les hommes mangent le peu qu’ils ont, accotés à des cadavres. Le régiment a été héroïque : nous n’avons plus d’officiers. »

(Lettres d’un soldat, Chapelot, 1916, p. 135.)

Lettre de Henri Barbusse à sa femme, 21 juin 1915

« Dans le boyau même, il y avait des cadavres qu’on ne peut retirer de là ni ensevelir (on n’a pas eu le temps jusqu’ici), et qu’on piétine en passant. L’un d’eux, qui a un masque de boue et deux trous d’yeux, laisse traîner une main qui est effilochée et à moitié détruite par les pieds des soldats qui se hâtent, en file, le long de ce boyau. On a pu le voir, le boyau étant couvert à cet endroit, on a allumé, une seconde. N’est-ce point macabre, ces morts qu’on use de la sorte comme de pauvres choses ? »

(Lettres de Henri Barbusse à sa femme, 1914-1917, Ernest Flammarion éditeur, 1937, p. 151.)

Lettre de Maurice Genevoix, 1915

« Cette guerre est ignoble : j’ai été, pendant quatre jours, souillé de terre, de sang, de cervelle. J’ai reçu à travers la figure un paquet d’entrailles, et sur la main une langue, à quoi l’arrière-gorge pendait... [...] Je suis écœuré, saoul d’horreur. »

(Citée dans Les Eparges (1923), Ceux de 14 (1949), Flammarion, 1990, p. 614.)

Lettre de Fernand Léger à Louis Poughon, 1916

« Les débris humains commencent à apparaître aussitôt que l’on quitte la zone où il y a encore un chemin. J’ai vu des choses excessivement curieuses. Des têtes d’hommes presque momifiées émergeant de la boue. C’est tout petit dans cette mer de terre. On croirait des enfants. Les mains surtout sont extraordinaires. Il y a des mains dont j’aurais voulu prendre la photo exacte. C’est ce qu’il y a de plus expressif. Plusieurs ont les doigts dans la bouche, les doigts sont coupés par les dents. J’avais déjà vu cela le 13 juillet en Argonne, un type qui souffre trop se bouffe les mains. Pendant près d’une heure avec des attentions de chaque minute pour ne pas me noyer (car tu n’ignores pas que de nombreux blessés meurent noyés dans les trous des 380 qui ont 3 mètres de profondeur et pleins d’eau). [...] Il faut savoir ces choses-là. »

(Fernand Léger, une correspondance de guerre, Les Cahiers du Musée national d’art moderne, Hors série / archives, 1997, p. 66.)

"Putain de guerre" est emprunté au titre de l'album de Tardi et Verney

Lettres extraites du Monde Diplomatique novembre 2001

L'Humanité publie un hors série illustré par Jacques Tardi

Il y a quatre-vingt-dix ans prenait fin la grande boucherie.

Fidèle aux valeurs de son fondateur Jean Jaurès, le journal L’Humanité fait "travail de mémoire" en éditant le numéro hors-série "14-18 la matrice du XXème siècle", dont Jacques Tardi propose un magnifique regard, reproduit en un poster original vendu avec ce numéro d’exception. A se procurer absolument.

Brigade anti- vieux 2