mercredi 26 mai 2010

Houdain, Daniel Dewalle a "pris le risque de la démocratie"


Le maire communiste d’Houdain a adressé une lettre de démission à ses administrés et au préfet. Il « demeure conseiller municipal et militant communiste convaincu » qui se bat pour le service public.
Houdain (Pas-de-Calais), correspondance.

Pas question de durer pour durer. À soixante-quatre ans, Daniel Dewalle, maire d’Houdain (7 800 habitants), petite commune de l’ex-bassin minier du Pas-de-Calais, a démissionné, après deux mandats, le 1er avril. L’ancien éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse a souhaité passer la main à Marc Kopaczyk, cinquante ans, cheminot à l’origine de la révolte des propriétaires des maisons Carpi, dans les années 1990. Des subprimes avant l’heure. Après plusieurs années de grève des loyers, les familles avaient obtenu gain de cause devant les tribunaux face à des taux d’emprunts usuriers. Pour Daniel Dewalle, pas de doute, le nouveau maire, « avec son expérience et son style à lui », saura à son tour s’opposer aux injustices chaque fois qu’il le faudra. Coupures de presse et tracts jaunis en main, l’ancien maire (également conseiller régional jusqu’en mars dernier) n’a de cesse de relater comment il a mobilisé population, médias, élus locaux pour des « affaires » qui l’ont conduit au moins une quinzaine de fois devant le tribunal administratif de Lille. Expulsions locatives, coupures de gaz, d’eau et d’électricité, démarchage forcé de Poweo, fermeture de services publics, expulsion de sans-papiers… Il en a fait voter dans sa mairie, des motions et des arrêtés, y compris par la droite, et qui ont fait grand bruit  ! « Jamais condamné, et le juge a souvent admis que si j’étais en faute au regard de la loi, la raison l’emportait dans une démarche en faveur de l’équité entre les citoyens », explique-t-il, entamant haut et fort dans le salon de son petit appartement des couplets de chansons en patois écrits de sa main et repris en chœur plus d’une fois devant micros et caméras.

« Voilà l’homme qui rit  ! » C’est ainsi qu’un habitant d’Houdain salue celui qui restera encore longtemps « Monsieur le maire » dans les têtes. Celui qui a si souvent ameuté les Houdinois pour sauver ou tenter de sauver la gendarmerie, le centre de tri postal, la DDE, le Trésor public, le tribunal d’instance… À peine remis d’une opération de la hanche, il nous accompagne dans un rapide tour de la ville en compagnie de syndicalistes CGT qui préparent la journée d’action du 4 juin en faveur des services publics (lire ci-contre).

« Chaque semaine depuis que je suis élu (en mars 1983 – NDLR), de dix à vingt-cinq personnes me sollicitent pour un emploi, pour un logement ou en raison de difficultés financières. Et ces dernières années le constat s’aggrave, souvent dramatiquement. Un homme de cinquante-trois ans vient de m’écrire  : “Monsieur le maire, je n’attends plus que la mort.” Qu’a dû subir un être humain pour en arriver là  ? » Cette question, Daniel Dewalle la pose dans sa lettre de démission. Avant de dénoncer les lois répressives contre les jeunes et les étrangers, qui ne véhiculent que « des mensonges de plus ».

Le gouvernement appelle « crise » un processus d’enrichissement des uns engendrant l’appauvrissement des autres, dénonce-t-il. Dans son courrier, tous en prennent pour leur grade  : Sarkozy, Fillon, le Medef, la centaine de PDG, dont les patrons du CAC 40, qui « se croient sortis de la cuisse de Jupiter, croient mériter leurs super-salaires alors qu’aucun d’entre eux ne devrait gagner plus de dix fois le salaire de base de leurs salariés, peut-être même pas plus de cinq fois, à l’image de la “Cité idéale” de Platon, et qui nous ont plongés eux-mêmes dans la crise dont ils prétendent vouloir nous sortir »  ! Platon, Socrate…

La forme du dialogue a souvent inspiré le maire d’Houdain. « Je ne supporte pas les discours longs et sans saveur de la majorité des hommes politiques. Pour les vœux de cette année 2010, j’avais écrit un dialogue, naïf en apparence, à la manière du renard échangeant avec le Petit Prince  : “– Moi sur ma planète, on supprime des postes d’enseignants. – Quoi  ? Mais sur ma planète à moi, les enfants sont une priorité  !” »

À Houdain, c’est désormais une tradition  : micro ouvert aux habitants pendant la première demi-heure de la réunion du conseil municipal. En période électorale, jamais de salle avec tribune. Ici, on échange en cercle. « Le risque de la démocratie », que Daniel Dewalle n’a jamais regretté de prendre (en 2008, la liste PC-PS conduite par Daniel Dewalle fut réélue au premier tour avec 66,23 % des voix – NDLR) et que Marc Kopaczyk, qui lui a succédé officiellement le 18 avril dernier, continuera de prendre.

« À l’époque de la Révolution française, Houdain était la plus grosse ville des environs, c’est pourquoi nous disposions de tous les services. S’il était question de les déplacer des services, là où la population est plus nombreuse, on pourrait discuter, mais chaque fois ce sont des fermetures pures et simples qui sont infligées et sans concertation  ! s’insurge Daniel Dewalle. Lors de la réunion annuelle des maires du Pas-de-Calais devant le préfet, j’ai dénoncé publiquement les mensonges qui consistent à dire que la concentration permet de rendre de meilleurs services  ! » Il prend l’exemple du bureau de la direction départementale de l’équipement, où la population pouvait notamment effectuer les démarches de permis de construire  : « Le bureau d’Houdain était ouvert tous les jours de la semaine matin et après-midi. Maintenant il faut se rendre à Béthune, à 14 km, où l’accueil se fait seulement de 9 heures à 11 heures  ! Où est l’amélioration du service  ? »

Dans sa lettre au préfet et à la population, qu’il a fait distribuer dans toutes les boîtes aux lettres de la ville, Daniel Dewalle reprend les propos du premier ministre à propos du redéploiement des services publics  : « Il ne faut pas accabler les zones les plus fragiles, les plus éprouvées… et leur imposer un cumul d’épreuves injustes. » « Ici, le cumul ressemble à un massacre à la tronçonneuse  ! » lui rétorque-t-il. Après quatorze années en tant que premier adjoint et treize autres comme maire, Daniel est redevenu simple conseiller municipal. Il trouvera ainsi le temps de partager sa passion pour l’astronomie au sein d’un club qu’il a créé, notamment auprès des enfants des écoles et du collège. « Ne confondez pas avec l’astrologie  ! » sourit-il, même s’il est déjà écrit qu’il sera dans les rues de Béthune le 4 juin prochain, à l’appel de la CGT, pour poursuivre son combat contre les injustices. Un combat qui passe, bien sûr, par la défense et le retour aux services publics de proximité, qui passe par l’information et la mobilisation de tous. « Je suis d’ailleurs persuadé, qu’à l’image des propriétaires des maisons Carpi, nous devrions faire la grève des factures EDF. À compter du 1er novembre 2010, si nous étions des centaines de milliers à refuser de payer et que ceux qui en ont les moyens pouvaient mettre l’argent des factures sur un compte bloqué pour prouver leur bonne foi, nous pourrions empêcher de nouvelles augmentations destinées à enrichir les actionnaires et avancer vers la renationalisation d’EDF et GDF. » De quoi débattre, en large cercle…

Laurence Mauriaucourt dans l'Humanité

Image : Daniel Dewalle lors de la bataille contre les méthodes de commerciaux de Powéo.

Brigade anti- vieux 2