Impuissant face à une crise économique sans précédent, Nicolas Sarkozy remet sa panoplie de premier flic de France. Les libertés publiques en prennent un coup.
En moyenne, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) est désormais saisie tous les deux jours. Soupir en interne : « Y a-t-il un changement de climat ? Pas vraiment. Depuis notre création, en 2000, on a à peu près le même nombre d’affaires. Et toujours les mêmes : violences lors des interpellations, fouilles au corps et gardes à vue abusives. Certes, il y a des textes sur la dignité des personnes en garde à vue, sur les fouilles au corps… Mais à quoi sert un texte s’il n’est jamais appliqué ? »
« Offense au chef de l’État »
Sale temps pour les libertés : mardi, des CRS ont empêché des photographes de l’AFP de couvrir une manif, le mois dernier un syndicaliste lycéen, à Avion, s’est fait faire la leçon par les RG, et,mercredi dans le Lot, les militants de « Tous ensemble pour les gares », convoqués qui à la gendarmerie, qui au tribunal, ont appris à leurs dépens qu’il ne fait définitivement pas bon en ce moment embêter les trains.
Depuis la descente médiatico-policière à Tarnac, il flotte sur le « pays des droits de l’homme » un parfum qui n’est pas sans rappeler celui de la campagne de 2002, celle qui a vu médias et hommes politiques s’emparer des faits divers les plus sordides, pour le résultat que l’on sait : la qualification de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle. En quelques semaines, on aura rarement autant entendu parler de « terrorisme », jusqu’à la mystérieuse alerte du Printemps Haussmann mardi. L’occasion pour la ministre de l’Intérieur de renforcer un peu plus un plan Vigipirate qui, depuis 1996, n’a jamais été désactivé. Et François Fillon de saluer « le très grand esprit de calme et de responsabilité » des Français face à une « menace terroriste » jugée « très forte ».
Symbolique : le jour du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, une dizaine d’associations (Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France…), en ouverture du Forum des droits et libertés, établissait un triste état des lieux : multiplication des lois sécuritaires, durcissement sans précédent de la chasse aux immigrés, banalisation du fichage, de la vidéosurveillance, de la biométrie… Mais aussi des poursuites pour « outrages », voire pour « offense au chef de l’État » : « Sous une autre présidence, jamais quelqu’un n’aurait été poursuivi pour avoir brandi une pancarte "casse-toi, pauv’con" ou pour avoir comparé la politique actuelle à celle de Vichy, constate Marianne Lagrue, du SAF. Alors qu’on aurait plus attendu une réponse politique que judiciaire, sous Sarkozy la réponse politique, c’est la réponse judiciaire. »
Garde à vue, fouilles au corps
De fait, l’ancien premier flic de France, qui s’est fait élire sur le slogan « Travailler plus pour gagner plus », confronté à une crise économique sans précédent, revient aux fondamentaux : à l’approche des fêtes, on ressort le Père Fouettard. Et, les carottes étant devenues hors de prix, le pouvoir agite le bâton de la répression. Tous azimuts : transformation de la psychiatrie en annexe de la prison, possibilité d’incarcérer des mineurs de douze ans - une question de « bon sens », dixit la garde des Sceaux -, opération de « prévention antidrogue » dans un collège du Gers tournant à la descente des stups avec fouilles au corps, ce qu’aura subi également un journaliste cueilli au petit matin par la maréchaussée pour une simple affaire de diffamation…
Dans le même temps, en effet, le pouvoir veut faire taire toute contestation : mainmise sur la télé publique, reprise en main annoncée de la presse écrite et même verrouillage du débat démocratique au Parlement ! Sans parler des faux nez, comme la mise en place d’une commission de contrôle des fichiers de police et de gendarmerie présidée par le « Monsieur Sécurité » de Nicolas Sarkozy, Alain Bauer.
vidéosurveillance ? « Inéluctable »
Symbolique encore : la mise en examen, ce mercredi après garde à vue, d’un commandant de police pour « détournement du fichier STIC » parce que ce dernier avait eu l’outrecuidance de sortir de son droit de réserve et d’avoir donné des informations à la presse. Ou encore la remise, le même jour au Sénat, d’un rapport sur l’encadrement de la vidéosurveillance : « Le marché représente 750 millions d’euros. Son développement est inéluctable, avouent les deux auteurs de l’étude. La seule chose qu’on peut faire, c’est au moins tenter de l’encadrer. »
Sébastien Homer ( site Huma 19/12/08)
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