Le but d’Israël : enterrer le processus de paix et la création d’un véritable État palestinien. Avec la complicité de Washington, Paris et Bruxelles.
Sans le vouloir, Israël a démontré que l’occupation des territoires palestiniens est bien au centre de la problématique proche et moyen-orientale. Existe-t-il une autre région du monde où, en l’espace de quelques heures, près de 300 personnes sont tuées de cette manière ? L’Irak et l’Afghanistan sont battus à plate couture. Surtout, existe-t-il un pays de la planète qui peut se permettre un tel massacre avec le soutien même plus implicite des plus grandes puissances mondiales ? Pourquoi, comment ? Qui peut croire un seul instant que les roquettes balancées par des organisations palestiniennes mettent en danger un État, Israël, dont l’armée est parmi les cinq plus puissantes du monde ? Surtout, alors que les bombes israéliennes se déversaient sur Gaza ce week-end, d’autres roquettes étaient encore tirées. Le bilan est là : 1 mort côté israélien. Plus de 280 côté palestinien.
Si l’on assiste à un tel déchaînement de violence de la part de Tel-Aviv, c’est certainement parce que la victoire aux élections législatives (programmées pour le 10 février) sera déterminée par le caractère belliciste des candidats. Le Likoud de Netanyahou pousse au feu. Il n’en faut pas plus à Tzipi Livni, toujours ministre des Affaires étrangères qui rêve d’être premier ministre et Ehud Barak, ministre de la Défense, pour faire chauffer les réacteurs des F16 et tester leurs nouveaux engins de mort. Triste société israélienne qui applaudit et fait remonter Livni dans les sondages.
Les élections n’expliquent pas tout. Pas plus que le prétexte des roquettes. Il y a un plan, une volonté politique accrochés aux missiles qui s’abattent sur Gaza. Le premier volet est de repousser à jamais la création d’un véritable État palestinien en approfondissant le fossé géographique et politique entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, entre le Hamas et les composantes de l’OLP, à commencer par le Fatah. N’est-il pas surprenant que cette attaque survienne au lendemain d’une nouvelle trêve de 24 heures décrétée par le Hamas et alors que tout le monde sait bien que les dernières salves lancées sur Israël étaient le fait de groupes aussi divers que le Djihad islamique ou les Brigades des martyrs d’al Aksa, proches du Fatah ? C’est d’autant plus étonnant que le Hamas est sensible à l’état d’esprit de la population palestinienne. C’est ce qui explique souvent ses changements d’attitude, l’arrêt des attentats suicides ou l’acceptation de trêves.
Israël ne veut pas la paix. Ce n’est pas avec des bombes que l’on vient à bout d’une résistance, celle d’un peuple occupé depuis plus de quarante ans. Les dirigeants israéliens sont soutenus à bout de bras par l’administration américaine et par les dirigeants de l’Union européenne, Nicolas Sarkozy en tête. Tout simplement parce qu’Israël a réussi à faire admettre son indispensable présence dans la stratégie occidentale au Moyen-Orient en se plaçant comme rempart face à une supposée invasion islamiste. Peu importe la fausseté de l’argument, et surtout le mélange des genres (comme cela avait été fait entre l’Irak de Saddam et al Qaeda) : il permet de faire croire au danger pour l’existence d’Israël, d’amplifier le concept d’État juif, de faire oublier l’occupation et de justifier en filigrane la possession de l’arme atomique. D’où ces déclarations des chancelleries occidentales qui rejettent la faute des événements dramatiques de ces derniers jours sur le Hamas et mettent sur un pied d’égalité occupants et occupés tout en demandant de la retenue « aux deux parties ».
Ce faisant, Israël enterre un peu plus le mouvement national palestinien. Les manifestations se multiplient en Cisjordanie contre le massacre perpétré à Gaza et contre les conditions de vie inhumaines qui s’aggravent chaque jour un peu plus. Un ressentiment qui s’exprime principalement contre l’occupant mais qui pourrait bien emporter Mahmoud Abbas, le toujours président de l’Autorité palestinienne, dont les déclarations laissent perplexes et qui semble de plus en plus affaibli au sein des Palestiniens comme sur la scène internationale. Les Israéliens laissent pourrir la situation et attendent que les fruits mûrs tombent : l’écrasement du Hamas à Gaza, l’extinction du Fatah en Cisjordanie. Ne resteront plus alors que quelques chefs de tribus avec lesquels il sera très facile de négocier l’attribution de bantoustans vides de sens et de réalité économique. Les dirigeants israéliens pourront alors leur adjoindre ces Arabes d’Israël, comme le veut Tzipi Livni. Pour réussir ce tour de passe-passe, il faut des complices. Avec Washington, Paris et Bruxelles, Israël les a trouvés.
Pierre Barbancey, Humanité
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