Contre le Front national: Le Front de Gauche |
S’ils voulaient légitimer le FN, le PS et la gauche dans son rouage ne feraient pas mieux !
Par Jacques Cotta journaliste réalisateur et producteur sur son blog: "La Sociale". Jacques Cotta a écrit récemment: "Qui veut la peau des services publics?"
Au lendemain du premier tour des cantonales, avant même avoir dégagé le moindre enseignement politique des résultats, voila que les dirigeants socialistes redoublent d’effort pour appeler au second tour à « un front républicain ». Dans leur sillage, responsables des verts et du Front de gauche y vont de leur couplet. Après 2001, l’appel à voter Chirac contre Le Pen, voila que cela devient une habitude, autrement dit une orientation durable. L’union nationale contre le pseudo danger du FN…(Cliquer sur la date pour lire la suite)
Les résultats du premier tour des cantonales méritent d’être soulignés sur quelques points lourds de signification.
- Le taux d’abstention.
Alors qu’il s’élevait à 36,09% en 2004 et à 35,12% en 2008, ce taux progresse en effet de 20% pour atteindre ce coup ci 55,63%, un niveau record. C’est l’ensemble des partis politiques qui sont ainsi désavoués. Le choix existait en effet, et expliquer la désertion des urnes par le caractère local de ces élections, par le fait qu’elles n’étaient couplées à aucune autre, ou encore par la richesse de l’actualité qui en aurait détourné les regards, est une explication un peu courte. Ainsi, le département de Seine-Saint-Denis, connu pour ses communes et quartiers populaires, connait le niveau de taux d’abstention le plus fort en France avec 67,30%. Sans doute l’idée que le vote aux cantonales ne servait pas à grand-chose dans la mesure où il ne permettrait pas de mettre un coup d’arrêt à la politique actuelle et au gouvernement de Nicolas Sarkozy l’a emporté. Mais en même temps le sentiment qu’une préparation efficace de l’avenir était possible par un vote massif à gauche n’a pas dominé.
- Une défaite historique de l’UMP, du parti présidentielle.
Le recul du parti présidentiel pose un problème difficile à la majorité présidentielle. Avec 17,7% des suffrages, le parti majoritaire est nu. Evidemment, le ministère de l’intérieur par un tour de passe-passe annonce un chiffre de 32,5% correspondant non à l’UMP mais à « la majorité présidentielle » par addition du score atteint par des candidats divers-droite. Mais c’est là oublier que ces candidats, bien que sarkozystes pour certains, ont fait le choix délibéré pour avoir une chance de figurer au second tour de ne pas mettre le logo UMP sous leur nom, et surtout de ne pas mentionner leur proximité avec le chef de l’état. Une attitude tout compte fait assez lucide. Le président est minoritaire comme sans doute nul avant lui ne l’avait été. Ces résultats expriment un rejet de la politique mise en œuvre depuis 2007, qui apparait soit comme une série d’agressions insupportables pour la majorité du peuple français, soit comme des demi-mesures sans effet pour une part importante de l’électorat traditionnel de la droite française…
- Une gauche qui frise la majorité absolue.
Avec 49,5% des voix, les voix de gauche se décomposent principalement en 25% pour le parti socialiste, 9% pour le front de gauche et 8% pour Europe Ecologie les verts. Plus que le résultat lui-même, c’est le rapport de force interne à la gauche qui mérite attention. Bon nombre de discours se retrouvent balayés par les faits. Celui d’abord d’une écologie triomphante, surfant sur le désastre japonais. Celui ensuite d’une gauche de la gauche « renversant la table » qui deviendrait la force majoritaire de gauche, comme Jean Luc Mélenchon l’a affirmé durant des mois. Le leader du PG peut aujourd’hui crier victoire car le front de gauche s’affirme comme la seconde formation de la gauche française. Mais cela n’est qu’un lot de consolation. Il avait affirmé qu’il en serait le premier, comme d’ailleurs il l’affirme pour les présidentielles à venir. Là encore il n’en n’est rien. Le parti socialiste apparait comme le parti majoritaire, non seulement à gauche, mais dans le contexte actuel au niveau national en France. Ce qui, pour les échéances à venir, le rend d’autant plus incontournable qu’il est en position de force au sein de la gauche.
-Enfin le Front National à plus de 15% des voix.
Confirmation dans les urnes de ce que tout observateur un tant soit peu sérieux peut constater sur le terrain. Le Front National est plus que jamais le parti par lequel le ras-le-bol général contre la politique mise en œuvre, mais aussi contre l’ensemble des organisations politiques de gauche et de droite, s’exprime. Dans les couches populaires, le front national semble reprendre pied dans certains des quartiers dans lesquels il avait déjà percé, puis avait régressé.
Ces premiers éléments permettent de poser quelques questions et de tirer des conclusions provisoires.
Pour la plupart des commentateurs, et plus grave, pour la plupart des responsables socialistes, la première déclaration partant des résultats, indépendamment de ce qu’ils expriment au fond –le rejet de la politique actuelle, le rejet du personnel politique, le manque d’alternative politique- s’est concentrée sur l’attitude à tenir vis-à-vis du Front National.
Voulant accréditer l’idée qu’il s’agirait d’un parti fasciste, voila les Hollande, Aubry, Hamon et autres qui en appellent à la constitution d’un front républicain. Mais si tel était le front national, il faudrait commencer par demander sa dissolution. De plus, c’est ne rien comprendre aux raisons pour lesquelles 15% des français, notamment dans les quartiers populaires, votent pour le parti de la droite extrême. Que dit aujourd’hui Jean Luc Mélenchon qui voyait dans Marine Le Pen une simple manipulation des sondages ? Marine Le Pen apporte les réponses de cette frange de la droite sur les questions du travail, de l’Europe, de la Mondialisation, ou encore sur l’immigration ou la sécurité qui sont autant de sujet que lui laisse la gauche comme s’il s’agissait de sa chasse gardée. Il ne s’agit pas plus ici d’un parti fasciste avec le FN qu’avec les ligues du nord en Italie. Ces partis populistes de droite ont des réponses politiques qui portent d’autant plus que le combat sur ce terrain est délaissé.
Pour combattre le front national, pour ouvrir une perspective, c’est bien sur les questions de fond qu’il faudrait entendre une autre voix, des questions appelant des réponses qui pourraient constituer la base d’une plate forme unitaire et mobilisatrice : la démocratie est la mise en cause des institutions de la 5ème république avec une assemblée constituante souveraine pour refonder une république dont la dimension sociale serait le cœur, le rétablissement d’un pôle bancaire nationalisé fort permettant de se réapproprier une politique industrielle, la nationalisation des entreprises qui ont un caractère de monopole ou occupent une position stratégique pour la nation, le rétablissement et le renforcement des services publics, l’abrogation des lois qui restreignent les retraites, attaquent la Sécurité sociale, s’en prennent aux libertés ou à l’école, la rupture avec la dictature de l’euro, qui pourrait être ramené au rang de monnaie commune, et le rétablissement des monnaies nationales qui pourraient ajuster leur parité, en finir avec les disciplines budgétaires et donc remettre en cause les traités successifs qui entraveraient ces politiques, rechercher des alliances au niveau international sur ces axes qui auraient à n’en pas douter un véritable écho auprès des peuples grecs, espagnols, allemands, … et tout autre qui sont l’objet de toutes les attentions des institutions européennes et du FMI.
Au nom des cantonales, au lieu de combattre sur le fond, les leaders nous appellent donc à un front républicain, c'est-à-dire dans certains cas à voter pour les fossoyeurs de nos retraites, de nos emplois, de nos services publics… Mais de qui se moque-t-on ? Ils voudraient faire le jeu du Front National, lui donnant tout le loisir de condamner l’UMPS qu’ils ne feraient pas mieux. Evidemment nous dira-t-on, il s’agit du PS et que du PS. Non. Il s’agit de toute la gauche, gauche de la gauche comprise. Car c’est bien en sortant d’une réunion où côte à côte les responsables du PCF, composante principale du front de gauche, du PS et d’Europe Ecologie les verts appelaient à l’union de la gauche que Martine Aubry en appelait au « front républicain » alors que ses alliés "verts" et "front de gauche" appelaient à voter pour assurer qu'il n'y ait "pas un élu du FN au second tour". Ce qui donc revient dans certains cas à choisir l'UMP!
Cela ne devrait-il pas faire apparaitre, contre tout discours enfumant les véritables problèmes, que mieux vaudrait pour ces forces aborder les véritables questions pour ouvrir une alternative politique que d’exorciser le Front National pour aboutir à appeler à voter UMP ?
Jacques Cotta
le 21 mars 2011
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