jeudi 25 septembre 2008

Texte d'André Gerin sur la crise financière...


Oui, je crois que le capitalisme a fait son temps !

18 janvier 2008 : plan de relance de 150 milliards de dollars annoncé par George Bush. 17 février 2008 : la banque Northern Rock nationalisée. 16 mars 2008 : la Fed sauve la banque Bear Stearns. 7 septembre 2008 : Freddie Mac et Fannie Mae, établissements détenteurs de crédits hypothécaires, mis sous tutelle. 17 septembre 2008 : l’assureur AIG nationalisé ! Quel est donc ce pays qui pratique, qui ose se lancer, à l’heure de la mondialisation, de la « concurrence libre et non faussée », dans une politique interventionniste en nationalisant les plus beaux fleurons de sa finance privée ? Un pays post-archaïque ou proto-moderne ? Un pays marxiste ? Non, ce pays, ce sont les Etats Unis d’Amérique !


La crise du capitalisme financier, qui secoue les places boursières, a donc créé cette situation quasi surréaliste, digne d’une fable de la Fontaine, au cœur de laquelle les apôtres du libéralisme à tout crin des années 80-90 se voient obligés –de force, pas de gré, pour sauver la face et le radeau, tout en faisant sécher les SICAV- d’en appeler à la figure tutélaire de l’Etat-providence vingt ans plus tard. Curieuse ironie de l’histoire, où le modèle anglo-saxon tant vanté redécouvre les vertus d’une administration collectiviste ! Comme disait Karl Marx : « l’histoire se répète toujours deux fois. La première en tragédie, la seconde en farce… »
Le système économique actuel, le mode de production capitaliste, me font donc penser à l’histoire du dinosaure : lorsqu’il se marche sur la queue, l’information met un temps fou avant d’atteindre son cerveau. Depuis de nombreuses années –et les faits nous donnent aujourd’hui raison- je ne cesse de dénoncer la dérive de ce capitalisme cynique tourné vers le profit immédiat, avec la dictature du moindre coût, système à bout de souffle qui révèle au grand jour sa nature et ses aberrations. Il y a lieu de fustiger l’impérialisme financier qui a profité du laisser-faire généralisé (plutôt organisé) sur les marchés, loué par Ronald Reagan ou Margaret Thatcher, comme si à la base lesdits marchés allaient s’autoréguler de façon vertueuse. Il n’en est rien, nous le savons. A travers des crédits aussi trompeurs que les subprimes, les grands financiers, et beaucoup d’entre eux ont fait de l’argent en dormant, se sont enrichis sur le dos des petits ménages et ont fabriqué une croissance empirique, basée sur l’endettement, voire le sur-endettement. Dans mon livre « Et si le capitalisme avait fait son temps ? », je mettais l’accent sur l’apparition d’une véritable dictature de la finance. Le profit financier prend le dessus dans le processus de mondialisation. Il existe à la fois une loi du marché et une dictature de la bourse. C’est cette métastase qui remet en cause le capitalisme industriel, le capitalisme des métiers, le capitalisme des savoir-faire, et au final le capitalisme lui-même, car il n’est plus seulement prédateur mais aussi destructeur.
Qu’on ne se trompe pas sur les suites de cette crise. Les Pays émergents, le monde du travail, les petits épargnants, salariés licenciés au nom du CAC 40 et de la cote des actions qu’il faut maintenir à flot, voilà ceux qui seront priés de payer la note. Les ogres de la finance se remplissent les poches quand tout va bien, et vident celles des autres quand tout va mal. Le retour de l’interventionnisme du trésor américain se paiera cash car ce sont les finances publiques et les contribuables qui sont appelés à absorber les hérésies et dérives de l’impérialisme financier. La dette américaine se rembourse sur tous les continents. Nous avons déjà connu ce système de vases communicants. La puissance publique a fréquemment soutenu et relancé de grandes entreprises pour les privatiser une fois qu’elles étaient devenues rentables. Dans les années 80 aux Etats-Unis, pour mettre fin à l’effondrement de centaines de caisses d’épargne, une structure avait été mise en place, la Résolution Trust Corporation, pour placer sous tutelle des dizaines d’organismes. Il en avait résulté une perte de 75 milliards de dollars dans les caisses des finances publiques. Le mouvement amorcé aujourd’hui est encore plus dévastateur et la bulle financière va continuer de s’alimenter sur le dos des revenus du travail et des investissements publics. Ni plus, ni moins. Et si nationalisation il y a, personne n’est dupe, c’est pour se mettre au service du grand capital.
Cette crise profonde doit par contre, et plus que jamais, nous renforcer dans nos convictions, nous décomplexer.
Un : il faut tout simplement changer de modèle économique et financier. Sans un Etat républicain décideur, avec des services publics dotés de moyens importants affranchis de tout impératif de rentabilité, sans une république sociale, capable de garantir les droits les plus élémentaires à chacun de ses concitoyens –droit au logement, droit à l’énergie, droit à l’éducation, au savoir- inutile de se faire d’illusions sur le fin mot de l’histoire. C’est la loi de jungle qui triomphe, une jungle « libre et non faussée » en quelque sorte. De nouvelles Bastilles sont donc à prendre, qu’elles soient économiques, financières ou médiatiques. Il faut conquérir ces pouvoirs pour les remettre aux mains de la nation, du monde du travail, sous contrôle de la souveraineté populaire. Il faut bien reparler de nationalisation pour la maîtrise publique du secteur bancaire et financier et l’ensemble des grands médias.
Deux : l’Union Européenne, et notamment la BCE, inflexible sur ses taux alors qu’une relance de la consommation se fait attendre depuis des années, vient subitement d’injecter 150 milliards d’euros pour voler au secours des courtiers, banquiers et spéculateurs plongés dans la tourmente. L’Union Européenne de la finance prise en flagrant délit, la main dans le sac, épongeant la sueur qui perle au front des places boursières et fermant les yeux sur les attentes sociales des salariés : voilà ce qu’est devenue l’Union Européenne à laquelle, le 29 mai 2005, nous avons eu raison de dire non. Politique de la rigueur d’un côté –le coffre est vide-, 150 milliards d’euros de l’autre –ouvrez vite le coffre- quelle est donc cette logique européenne, au service du grand capital financier, si ce n’est celle de l’Europe du marché, l’Europe de la spéculation, l’Europe de la renonciation et de la démission. Quant à l’Europe des peuples, me direz-vous, et bien elle peut attendre et, selon le bon mot de Marie-Antoinette, « si elle n’a plus de pain, qu’elle mange des brioches ! »… Le chantier, là encore, est immense, mais le remède est simple. Il nous faut nous retirer de l’Union Européenne pour construire une Europe des peuples, de l’Atlantique à l’Oural.
Trois : devant une telle situation, face à un système capitaliste à bout de souffle -ce géant aux pieds d’argile- qui détruit tout sur son passage (et qui finira bientôt par s’autodétruire), face à ce capitalisme criminel qui spolie au lieu de produire et investir –relisons Engels et Marx-, qui oserait encore dire, aujourd’hui, qu’une gauche fière de ses valeurs, attachée à ses principes, loin de la moiteur des appareils, appartient au siècle passé ? Qui peut croire que la défense des services publics est un combat d’hier ? Qui peut croire que la dénonciation de la puissance de l’argent relève d’une joute d’antan ? A la lumière de ce qui se passe aux Etats-Unis, j’ai bien dit aux Etats-Unis, qui peut nous faire croire que la dérégulation et la privatisation de pans entiers de la République, à l’exemple de la réforme de la carte militaire et de l’ensemble des grandes missions du service public – maintenant La Poste ! - sont une avancée majeure pour le bien-être de chacun ? Qui peut croire, enfin, que Nicolas Sarkozy, porte-parole du Medef et des intérêts du grand capital, deviendra l’homme providentiel pour mettre en place « un capitalisme régulé » ? C’est aussi –notons-le- ce que propose le Parti Socialiste, qui a abandonné le combat pour le socialisme et celui de la lutte des classes. Qu’on ne se méprenne pas, Nicolas Sarkozy est dans la lignée des « ayatollahs » du capitalisme conservateur qui remettent en cause toutes les avancées historiques et progressistes du XXème siècle.
Alors oui, je le pense sincèrement, l’heure nous appartient pour mettre en place une véritable république sociale, loin des compromissions de la sociale-démocratie qui ne fait que s’adapter à un système vicié, une république sociale héritière du CNR, une république sociale autogestionnaire, celle des insurgés de 1848, qui s’appuie sur une vision collective et humaine de la société. Nous le savons tous : il n’y a pas de politique sans volonté, pas de progrès sans lutte. Cessons donc d’être frileux, cessons de courber l’échine, cessons d’être tétanisés : une société nouvelle est à bâtir, à imaginer, ne la laissons pas aux mains des argentiers ! Utopistes debout pour construire une révolution en gestation, le communisme du XXIème siècle frappe à la porte !

Brigade anti- vieux 2